Comme toute personne normale, Casey est née de l’union d’un homme et d’une femme. Comme un peu moins de personne, ces deux personnes s’aimaient et s’était marié afin de partager leur vie, jusqu’à la mort et fonder une famille. C’est donc dans un foyer équilibré et aimant qu’elle vit le jour. Le seul bémol de l’histoire, c’est la ville où la jeune fille naquit : Norilsk.
Norilsk, merveilleuse ville des plaines de Sibérie. Température moyenne à l’année : -10°. Taux de pollution : 10 fois supérieur aux autres villes. Avouons que comme décors, il y avait plus bucolique.
C’est donc dans la ville merveilleusement glaciale et polluée que la petite Casey grandit. Elle eu une enfance particulièrement banale mais heureuse. Enjouée, énergique, elle se mit à chanter avant même de savoir parler. Et rapidement, il ne fut pas dur de constater qu’elle n’avait pas une voix ordinaire. A l’âge de 5 ans, son père l’appelait déjà « sa petit diva » et ce n’était pas uniquement du à la fierté paternelle. La petite demoiselle avant vraiment un talent et sitôt qu’elle fut capable de le réaliser, elle entreprit de l’entretenir.
Première année d’école. Ce ne fut pas la meilleur période de la vie de Casey. Enfant joyeuse et souriante, il n’y avait qu’un petit détail qui la faisait basculer du mauvais coté des railleries : elle était un peu rondelette. Il n’en fallait pas plus à ses camarades pour l’affubler d’odieux surnom, lui faire de mauvaise farce parfois blessante, parfois dangereuse… Pourtant, elle souriait et elle faisait la sourde oreille. Ses parents lui disaient de ne pas s’inquiéter, que tout finirait par s’arranger un jour et elle les croyait. Elle s’accrochait aux étoiles étincelantes de son rêve. Plus tard, elle serait une chanteuse célèbre, elle mettrait ses parents à l’abri du besoin et elle partirait de cette ville à l’air lourd et aux pluies acides.
Mais un jour, il se produisit l’événement qui marqua un tournant dans sa vie. Le réveil de son don.
Alors que toute sa classe était entrain de patiner sur la glace, elle avait été mise à l’écart. « On veut pas que la glace cède sous toi, grosse vache ! ». Ses camarades l’avaient une fois de plus humiliée mais elle ne s’en formalisait pas. Elle patinait tranquillement dans son coin, chantant avec un léger sourire aux lèvres. La belle étoile de son rêve. Mais voilà, la voir aussi indifférente à leur insulte et sa mise en quarantaine ne plaisait pas aux plus hargneux des membres de sa classe. C’est alors qu’ils firent une chose cruelle dont un enfant ne peut pas forcement réaliser l’impact, ou bien peut-être qu’ils s’en moquaient tout simplement. Ca, personne ne le saura. Ils se mirent à quatre pour l’encercler, à une certaine distance et se mirent à tourner en rond… et tourner, et tourner, et tourner. Restant tous sur une même ligne, gardant un sourire mauvais sur le visage avec que la petit blonde ne comprenait pas ce qui leur prenait tout d’un coup. Elle comprit rapidement. Sous le passage répété, entaillé et fragilisé par le passage répéter des lames de leur patin au même endroit, la glace commençait à craquer sous les pieds de Casey.
«
- A… Arrêtez…
- Et bien quoi, grosse vache? T’as peur de te mouiller? »
La peur était bien l’eau mais c’était surtout parce qu’elle ne savait pas nager. Le garçon est regard le plus mauvais s’arrêta, gardant un sourire plus proche du rictus et indéniablement malfaisant. Il la détestait. Casey n’avait pas besoin qu’il le dise. Elle le sentait. Elle voyait presque la haine danser comme un feu dans ses yeux. Elle avait peur. Son patin glissa et elle bascula pour tomber sur la glace qui, grandement fragilisé, se fendit sous le choc. Alors que ses camarades, qui ne pensaient visiblement pas que les choses iraient si loin, courraient chercher leur maitresse, lui resta là à regarder la pauvre enfant se débattre dans l’eau glacée.
«
Ah ah ah!! On les noie les grosses vache comme toi! Toute façon, même si tu meurs, tout le monde s’en fichera! »
Un rire diabolique. Des mots cruels. Le froid, si froid…
La maitresse arriva juste à temps pour sortir Casey de l’eau avant de l’envelopper dans de nombreuse et épaisse couverture afin d’éviter qu’elle tombe en hypothermie. Grelottante, furieuse et blessée, Casey fixa le garçon qui riait toujours en se moquant d’elle. Elle en avait assez. Elle ne voulait plus sourire. Elle voulait juste qu’il…
«
Meurs. »
Le silence tomba sitôt qu’elle eut lâché le dernier mot de sa pensée haineuse. Elle ne comprit pas tout de suite mais il avait arrêté de rire. Peut-être lui avait-elle fait peur ? C’était bien fait. Il avait essayé de la tuer, qu’il est peur. Elle voulait qu’il tremble de peur. Mais il ne tremblait pas. Il ne faisait rien, figé comme sous le coup de ce simple mot. Finalement, il s’écroula sur la glace, demeurant inerte. Sans vie.
Des explications ? Personne n’en trouva. Le froid, le fait de vivre dans cette ville polluée, avait sans doute favorisé l’arrêt cardiaque de l’enfant. Surement. Peut-être. On ne savait pas. Mais Casey, elle, savait. Elle l’avait tué. En le souhaitant si fort, avec tellement de colère, elle l’avait tué. Pendant près d’une année entière, elle refusa de prononcé le moindre mot, de chanter la moindre note. Même la faire manger était une rude épreuve.
Elle avait ôté la vie à quelqu’un. Quelques semaines après l’incident, elle fit ce que tout le monde prit comme une tentative de suicide. Pourtant, l’enfant qu’elle était ne songeait pas à mourir, elle voulait juste ne plus jamais entendre le moindre mot passé ses lèvres. Mais sa main tremblante n’avait que réussit à marquer sa peau d’une cicatrice sur sa gorge sans attendre ses cordes vocales.
Suite à cet incident, ses parents décidèrent de la faire suivre par un spécialiste. Mais ce psychiatre pouvait dire ce qu’il voulait, elle avait causé la mort de ce garçon.
«
Allons, ce n’est pas comme si tu avais des pouvoirs magiques. Tout le monde à ce genre de pensé tu sais. C’est simplement une coïncidence. »
Et pourquoi ? Pourquoi n’aurait-elle pas un pouvoir, une chose maléfique qui causerait la mort des gens quand elle le voudrait trop fort. Elle avait tellement souffert de toutes leurs méchancetés, bien plus encore d’en sourire et d’en rire avec eux.
Voyant leur fille dépérir petit à petit, le père de Casey entreprit de faire son possible pour déménager ailleurs, loin de tout ça. De cette glace, de cette pollution, de ces souvenirs.
C’est ainsi qu’à l’aube de ses douze ans, Casey recommença une nouvelle vie en déménageant aux États-Unis. Elle laissa cette faible fillette ronde à Norilsk. Elle la laissa se noyé dans ce lac gelé. Elle allait devenir une autre personne. Une personne forte qui ne serait plus jamais un souffre douleurs pour les autres.
Et ce fut un glorieux succès. Elle entra au collège, une silhouette plus que féminine, bien plus que ses camarades de classes. Elle marchait la tête haute, ses long cheveux blonds rythmant la cadence de ses pas. Il ne fallut pas longtemps pour que la belle étrangère devienne la star de sa classe voir de l’établissement. Il fallait dire que ses tenues étaient légères bien que toujours décentes. Les températures d’ici lui semblait être estivale toute l’année par rapport à son pays d’origine.
La suite n’eut rien de très inattendu. Lorsque la fille la plus populaire du collège croise le chemin du sportif le plus admiré, on devinera facilement ce qu’il se passa. Tel un film hollywoodien, ce fut le coup de foudre. Pour l’un comme pour l’autre. Après la haine et le mépris, Casey goutait pour la première fois à la chaleur de la passion et aux prémices de l’amour. Elle se faisait coquette pour lui plaire, il aimait la voir rire. Bastien et Casey, le couple le plus envié et aussi le mieux assortie de leur établissement. Il était rare de les voir l’un sans l’autre et pourtant, ils n’empiétaient pas sur l’intimité de l’autre. Bien qu’il soit d’un an son aîné, ca n’influençait en aucun cas leur rapport.
Beaucoup de personne pensent qu’on ne peut pas aimer à cet âge. Et pourtant ces deux là s’aimaient. De la passions des premiers mois, ils avaient muris vers l’amour qui vient avec le temps, l’attachement sentimentale, le lien émotionnel ne de pas songer à sa vie sans l’autre. Bien sûr, ils avaient des disputes, comme n’importe qui mais ils en venaient toujours rapidement à s’excuser l’un à l’autre.
Avec la maturité vient l’envie d’un peu plus. Un pas de plus. L’envie d’être encore plus proche. Juste un peu plus. Unis par delà les mots, se sentir appartenir à l’autre du plus profond de sa chair. Pourtant, ils ne franchirent le pas qu’après deux ans de relation. Rallumant le feu d’une passion inconnue, tâtonnant dans l’obscurité de leur curiosité, les doigts découvrant le corps de l’autre, se découvrant soit même dans les bras de l’autre, apprendre, sentir, gouter… aimer.
Bien sûr, changer de pays et de vie n’avait pas éteint le rêve de Casey. En plus, Bastien aimait jouer du piano sur ses rares moments de liberté, loin des cours et du sport. Il n’était pas rare qu’il accompagne la voix de la demoiselle de quelques notes. Après une année de mutisme, la voix de Casey avait prit un ton un peu rocailleux qui donnait à son chant une dimension plus mature et plus enivrante aussi. Elle chantait ce qu’elle était, elle chantait de toute son âme, de tout son cœur. Elle chantait tous son amour pour celui avec qui elle se voyait déjà finir sa vie.
Comme il serait beau de terminer cette histoire par un ’’et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfant.’’. Mais la vie est cruelle et sans pitié. Les happy-end n’arrivent que dans les films. Le temps continue de défiler après le générique dans la réalité. Et après ce générique, il y eu une dispute. Peut-être plus forte que les autres mais pas insurmontable pour autant. Mais entre les cris, les gestes, les remarques que l’ont ne pense pas… entre toutes ces choses, Casey finit par lui hurler trois mots. Trois mots qui allaient sceller le reste de son existence. Trois mots qui lui feraient comprendre le pouvoir des mots. Le pouvoir de ses mots.
«
Oublie moi, disparait! »
La colère. Encore la colère. L’été de ses 15 ans, Casey rouvrit les yeux, abaissant son bras en constatant la pièce vide. Elle ne réalisa pas réellement ce qu’il s’était passé le soir même. Ce ne fut que le lendemain, en arrivant plus tôt pour voir Bastien à la fin de son entrainement matinale qu’elle su que quelque chose clochait.
«
Bastien? Il va vivre chez sa tante. Il parait. Il a prévenu hier. »
Déménager ? Mais, il ne lui en avait jamais parlé. Sa tante ? Mais elle vivait à l’autre bout du continent. Une angoisse commença à monter dans le cœur de la slave. Comme un écho, elle entendait les mots qu’elle lui avait hurlés la veille. Non, c’était impossible. Elle n’avait jamais souhaité sa mort alors… pourquoi ? A peine la dernière sonnerie avait retentis qu’elle avait courut jusque chez lui. Essoufflée, la peur au ventre. Il fallait qu’elle se trompe. Ce genre de chose ne pouvait pas être possible. Elle n’avait pas de pouvoir magique. Alors qu’elle était presque arrivée, elle se cogna à lui au croisement. Sur le choc, elle tomba au sol.
«
Je suis désolé! Tout va bien mademoiselle? »
Il la regardait, il lui tendait la main. Mais il ne la voyait pas. Casey n’avait pas besoin de plus pour comprendre. Ce n’était pas des pouvoirs magiques, c’était une malédiction. Assise sur le bitume, elle enfouie son visage dans ses mains pour cacher ses larmes. Cacher ses larmes à ce garçon, ce garçon avec qui elle avait partagé les 3 plus belles années de sa vie et qui n’en gardait pas le moindre souvenir.
«
Mademoiselle… Tout va bien? »
Elle ne voulait pas qu’il s’inquiète pudiquement. Elle voulait qu’il l’a prenne contre lui, qu’il l’appelle par son prénom. Elle voulait son Bastien. Tout ce qu’elle pouvait faire à présent, s’était s’excuser. Et elle pleurait. Et elle s’excusait. Incapable de se lever, de bouger. Peu importe ce qu’était cette chose, don ou malédiction, ça avait brisé sa vie par deux fois. Elle détestait cette chose mais elle devait vivre avec.
Quelques mois plus tard, une lettre. Une nouvelle vie.
Elle quitta son foyer, embrassant sa mère et son père. Elle ne comptait plus revenir. Mais elle ne les laisserait pas pleurer son départ. La veille de partir pour sa première année à Synchronicity, après avoir fait soigneusement sa valise, elle rassembla ses parents dans leur salon.
«
Papa… Maman. Je vous promets que, peu importe l’endroit où je suis, cet endroit sera toujours ma maison. Ma maison, c’est près de vous. Mais, je ne peux plus rester. »
Une larme coula sur la joue de la jeune fille qui leur sourit une dernière fois. Un don. Une malédiction. Ses mots étaient un poison. Ses mots étaient la fin. Ses mots étaient un charme qui distordait son monde. Mais pour une fois, il fallait que ses mots lui donne la force, le courage de préservé ses parents de son départ. De sa disparition. C’est pour ça qu’elle avait décidé. Elle devait disparaitre, disparaitre complètement.
«
Oubliez-moi. »
Elle ferma la porte derrière elle, serrant cette lettre dans sa main. Elle avait choisit de tout laisser. Son passé n’était qu’un bagage encombrant dont elle devait se délester. L’avenir était devant elle et malgré ses larmes, il n’y avait aucune hésitation alors qu’elle s’engageait sur cette nouvelle voie.
Lorsqu’elle arriva à Synchronicity, Casey s’imposa plusieurs règles. La première : ne jamais tomber amoureuse. Rapidement, son attitude aguicheuse, allumeuse mais jamais plus lui une certaine réputation. Elle se plaisait à se qualifier de papillon. Parce qu’elle était une chose belle et libre que personne ne posséderait ou simplement parce qu’elle voletait d’une personne à l’autre, sans jamais se poser bien longtemps. Qui sait. La deuxième règle fut d’utiliser son pouvoir. Aussi paradoxale que cela puisse paraitre, se forcer à l’utiliser lui apprit à le maitriser et à pouvoir en limiter les effets à son bon pouvoir. Il ne lui fallut que 6 mois pour ça. La dernière règle, et la plus importante : ne laisser personne la connaitre.
Afin d’avoir un toit où rentrer entre chaque année scolaire, elle donne de petite représentation musicale dans certaines établissements de St Petersburg, juste ce qu’il faut pour avoir de quoi sous-loué un minuscule studio. A présent, Casey entame sa seconde année dans cette école extraordinaire et elle a bien l’intention d’atteindre la perfection dans la maitrise de son don et une fois qu’elle quittera cette école, elle pourrait enfin réaliser son rêve. Sa seule étoile qui reste dans son ciel obscur, la seule chose qui la fasse à présent avancer la tête haute.